Beach Brothers Operation Playboy

Kathryn Bonella’s true crime books

POURQUOI AVOIR VOULU DEVENIR JOURNALISTE?

J’ai toujours été curieuse et fascinée par les histoires des gens. Cela devait être ma voie, même si c’est ma mère qui m’a suggéré cette filière. J’ai travaillé comme pigiste en presse écrite, pour la télévision, puis comme écrivaine.

LES SURFEURS, SELON VOUS, ONT-ILS UNE MANIÈRE D’ÊTRE OU DE PENSER PROPRE À LEUR LIFESTYLE SINGULIER?

Oui bien sûr. Ils ont ça dans le sang. J’écris bien cette addiction à l’adrénaline dans mes livres. Les surfeurs sont des personnes intenses, passionnées. Pour eux, l’existence est un mode de vie parfois risqué qui a toutes les raisons d’être. Voici un extrait du livre Operation Playboy où un des surfeurs, Jorge, explique : J’ai toujours eu cette attirance pour l’aventure. Quand j’ai vu

“Le paradoxe a résidé dans le fait que le trafic leur laissait moins d’opportunités pour surfer.”

les bonnes vagues que je pourrais surfer si j’avais de l’argent, j’ai commencé à rêver de grandes choses. À me dire que je pourrais devenir très riche et profiter des meilleurs spots de la planète. […] Le surf a été une passerelle vers le trafic de stupéfiants car il m’a donné l’ambition de voyager à travers le monde…

OPERATION PLAYBOY EST VOTRE DERNIER OUVRAGE EN DATE. COMMENT AVEZ-VOUS EU VENT DE L’HISTOIRE AVANT DE LA COUCHER SUR PAPIER?

J’en ai entendu parler par des surfeurs brésiliens que j’ai rencontrés à Bali lorsque je bossais sur un autre livre. Ils avaient envie de me décrire la situation et m’ont parlé d’un flic obsédé par cette histoire, bien décidé à se battre et à démanteler les trafics. Intriguée, j’ai pris contact avec Fernando Caieron, le policier en question. Il est responsable des narcotiques au Brésil. C’est lui qui m’a précisé le schéma d’action des trafiquants. On peut dire que j’étais déjà en plein dans Operation Playboy même si je travaillais encore sur le sujet de mon livre précédent : Snowing in Bali.

COMMENT AVEZ-VOUS FAIT POUR CONNECTER AVEC LES PROTAGONISTES? POURQUOI LES PLAYBOYS SURFEURS ONT DÉBALLÉ LEUR SAC SI FACILEMENT?

Rencontrer et trouver les gens fait partie de mon job. Je sais faire. J’ai utilisé mes connexions, recoupé des articles de journaux, utilisé les réseaux sociaux et harmonisé le tout avec les témoignages qui m’ont fait découvrir de nouveaux intervenants. Ma rencontre la plus bizarre s’est déroulée dans une prison espagnole. J’ai discuté à trois reprises avec cette personne, mais il était entouré de policiers et de son avocat. Je n’avais pas le droit de l’enregistrer ni de prendre des notes et il était limité dans ses propos. Mais il voulait continuer à me parler et il s’est procuré un téléphone de la taille d’une barre de Mars ; il m’appelait tous les soirs à Bali. Le seul problème était de cacher le téléphone. Il a trouvé un solution. J’ai joué un cul. Je loue un cul chaque semaine pour qu’il me le garde.

Tous ces types avaient besoin de vider leur sac car je suis journaliste et pas policier. De surcroît, certains des interviewés avaient lu Snowing in Bali. J’ai mené de nombreuses rencontres entre les prisons indonésiennes, des hôtels de luxe où les playboys menaient la grande vie. Je suis allé à Amsterdam, en Espagne, au nord et au sud du Brésil, et à Nusa Kambagan pour y rencontrer deux Brésiliens sur le point de se faire exécuter. Car c’est la sentence finale pour ceux qui perdent au jeu du trafic de stupéfiants en Indonésie.

FICTION ET RÉALITÉ SE BROUILLE, NON?

Parfois les playboys n’arrivent pas à croire à leur propre réalité : ils se font plus d’argent facile qu’ils ont jamais imaginé, ils peuvent prendre un avion sur un coup de tête et voyager à l’autre bout du globe, pour un concert à Paris, une soirée à Ibiza, une session ou des nanas à Bali, ou des prostitués à Amsterdam. Ils vivent leur rêve, et il prend le dessus sur la réalité, les empêche de penser à l’ami qui s’est fait coincer et purge sa peine en prison, ou attend dans le couloir de la mort. Il leur faut continuer à avancer sur cette corde raide sans regarder en bas vers les possibles conséquences : un faux pas et c’est est fini.

Inévitablement, ils finissent par chuter et sont forcés dans leur petite cellule de constater l’ironie de leur situation : ils se sont lancés dans le trafic de stupéfiants pour la liberté qu’il leur offrait, avant de terminer leurs jours entre quatre murs de béton à Bali, ou dans une cellule glaciale au Portugal, voire dans le couloir de la mort.

Un des types m’a dit que lorsqu’il sortait d’un aéroport avec une valise pleine de drogue, c’était comme s’il marquait un but dans un stade rempli de spectateurs qui scandaient son nom. Mais le jour où il a confié ces planches de surf pleines de poudre à un ami et qu’il s’est fait serrer, puis exécuté en Indonésie pour cela, le retour à la réalité a été violent : Parfois, j’ai l’impression que c’est moi qui l’ai tué, en lui donnant ces planches. C’est comme si j’avais le sang de Rodrigo sur mes mains.

COMMENT FAITES-VOUS POUR DÉTERMINER QUAND LA VÉRITÉ SORT DE LEUR BOUCHE ET QUAND ILS ESSAYENT DE VOUS MANIPULER?

Je sais lire la tromperie et la vérité en général. J’ai su repérer certaines inexactitudes. De toutes manières, les témoignages de différentes personnes isolées se recoupent ou pas. Si je dois repérer certains points qui me paraissent louches, je reviens vers les personnes pour creuser davantage, leur expliquant le point de mon incertitude par rapport à leurs témoignages. La vérité sort ainsi.

COMMENT DÉCRIRE LA PASSION DES “PLAYBOYS” POUR LE SURF?

Ils pratiquaient depuis leur enfance et étaient de très bons surfeurs. L’un d’entre eux était juge sur des compétitions et était très bon ami de Taylor Knox. Le paradoxe a résidé dans le fait que le trafic leur laissait moins d’opportunités pour surfer. Ils avaient sans doute moins besoin de l’adrénaline du sport car il en avaient des shoots à longueur de temps. Ils ont progressivement glissé vers les fêtes à outrance, fréquentant mannequins et prostituées en quête de cash. Un d’entre eux, Ruggiero, m’a dit : J’ai mal au coeur tu sais. Si seulement j’étais en cellule à New York… Mais là, je suis à Bali… À cinq minutes de l’océan. Pour un surfeur c’est encore pire quand tu sais qu’il y a des super tubes à prendre et que tu es enfermé.

QUEL EST LE PROFIL SOCIAL DE CES PLAYBOYS SURFEURS ? EN QUOI SONT-ILS SI UNIQUES?

Ils sont intelligents, bien éduqués et beaux gosses. Ils ne viennent pas des favelas et ont choisi de sauter dans l’aventure, connaissant les risques. Certains d’entre eux aimaient se rendre sur les Champs Elysées à Paris pour y acheter des objets de design. Ils aimaient se rendre à Amsterdam pour y fréquenter des prostituées. J’ai aimé explorer leur mode de vie tout à fait singulier.

PEUT-ON TIRER UNE MORALE DE L’HISTOIRE?

Que tu ne peux pas rider la vague éternellement. Certains des playboys ont des remords par rapport à leur passé peu vertueux, d’autres ne croient pas au karma et, même depuis leurs cellules, ils pensent déjà à la prochaine arnaque à monter.

COMBIEN DE TEMPS AVEZ-VOUS CONSACRÉ AU LIVRE ENTRE LES INTERVIEWS ET LE PROCESS D’ÉCRITURE?

Ce sont cinq années de recherches et d’écriture. C’était nécessaire pour arriver à démêler le fil de l’opération. Personne n’avait toute l’histoire, ni les flics, ni les trafiquants.

Y A-T-IL UNE PART DE FICTION DANS OPERATION PLAYBOY?

Absolument pas. J’ai vérifié et recoupé toutes les informations, et j’ai travaillé en conformité avec mon approche déontologique du journalisme.

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